UTMB (25 août 2006)

25 août 2006, 18h30 Triangle de l’Amitié à Chamonix. Encore une demi-heure à piétiner à côté d’Isabelle avant le grand départ. J’espère que ma cheville droite, toujours bien enflée (tordue il y a un mois, mais qui a bien survécu à l’Embrun-Man la semaine dernière), tiendra le choc. C’est la première tentative pour Isabelle qui a découvert l’Ultra il y a seulement quelques mois. Ma stratégie pour finir est assez simple : courir à bonne allure jusqu’aux Houches pour ne pas se faire enfermer dans les chemins étroits avant le col du Bonhomme, pas d’excentricités dans la descente vers Les Chapieux où il y a toujours un risque de « casse » et acquérir environ 2 ou 3 heures d’avance aux Chapieux. Il faudra ensuite utiliser au mieux cette avance avant l’arrivée. Nous atteignons Les Houches en 55mn environ après avoir rencontré quelques UFOs et nous attaquons le Col de Voza avec un soleil couchant qui nous gratifie d’une vue sur le massif du Mont Blanc presque aussi jolie qu’en 2005. Dans la montée au col de Voza, je reçois un SMS sympa d’Edwin (voir Raid 28 2006). Nous mettons les lampes frontales en action en haut du col. Ravitaillement rapide aux Contamines où l’on retrouve Astrid et Patricia (capitaine de notre équipe du Raid 28 2006) et sans perdre de temps nous attaquons la longue ligne droite vers la Balme. Pas d’effort exagéré, il faut garder des forces pour le col du Bonhomme qui approche. A la Balme nous croisons Saïd Kahla.

J’explique à Isabelle que cette montée est bien la plus longue du parcours, pas la plus raide, mais qu’elle constitue quand même une référence sur ce parcours. Il ne faut pas compter les km, il faut apprécier notre progression à l’altimètre et au nombre de « sommets » franchis. Il y en a 4 autour de 2500m : La Croix du Bonhomme, le Col de La Seigne, l’arête du Mont Favre et le Grand Col Ferret. Il y en a ensuite 3 autour de 2000m : Bertone, Bovine, Les Tseppes. L’avancement se mesure au nombre de ces points franchis et à la marge par rapport aux barrières horaires, mais pas aux kms.

Nous descendons prudemment vers Les Chapieux, c’est l’un des endroits que je redoute le plus pour ma cheville. Astrid nous rattrape au début de la descente et nous informe que nous ne sommes pas dans le « peloton de queue » ; bonne nouvelle ! Pas de casse et nous atteignons Les Chapieux à 4h du matin, soit avec 2h d’avance ce qui est raisonnable. Pas plus de 5mn d’arrêt Aux Chapieux et nous prenons la route vers la Ville des Glaciers et le Col de La Seigne. Le ciel est clair et constellé d’étoiles. La montée vers le col est de plus en plus éprouvante pour Isabelle, beaucoup plus que dans le col du Bonhomme. Tellement éprouvante que je reconnais à peine son visage en haut du col. Lequel col nous accueille avec un vent et un froid d’enfer. Deux solutions : soit nous faisons une pause dans ce couloir glacial avec un risque certain de refroidissement et de baisse de moral lorsque des centaines de concurrents nous dépasserons, ou alors descendre assez vite pour s’abriter du froid et faire disparaître au plus tôt le mal de l’altitude dont souffre Isabelle. J’opte sans hésiter pour la deuxième solution. Le chemin vers Elisabetta n’est pas très difficile et Isabelle retrouve assez vite une condition plus normale. Un coureur s’arrête et nous propose gentiment de nous prendre tous les deux en photo car il nous suit pratiquement depuis le départ !

Dans la montée vers l’arête du Mont Favre, le soleil commence à faire son petit effet. Nous retrouvons Ysolo avec des problèmes d’alimentation qui l’obligent à monter au ralenti, mais qui court comme un cabri dans les descentes. Notre tactique est un peu l’inverse, assez rapide en montée et prudence dans les descentes où Isabelle ne se sent pas trop hardie et moi non plus du fait de ma cheville. De fait nous ferons l’accordéon avec Ysolo sur une bonne partie du parcours. Patricia nous rattrape à son tour sur l’arête du Mont favre. Quelques jolies photos sur le versant Italien du Mont Blanc et nous attaquons la longue descente (1200m de dénivelée) vers Courmayeur que nous atteignons à 11h sous un soleil de plomb.

Toujours 2h d’avance, comme Aux Chapieux. Au ravitaillement nous croisons Sandrine qui a abandonné du fait d »un « accident de poche à eau » !. La queue pour le repas est trop longue et nous nous contentons d’une banane et d’un peu d’eau avant de repartir pour l’horrible montée vers le refuge Bertone. Horrible est bien le mot. La pente et la chaleur nous contraignent à faire des temps d’arrêt régulièrement dans la montée. Pourtant nous montons à une bonne allure, je donne régulièrement à Isabelle l’altitude pour le lui prouver et j’ai même du mal à la suivre. Arrivés au refuge Bertone où nous retrouvons encore une fois Ysolo, Isabelle (comme bien d’autres) s’allonge quelques minutes pour récupérer. La partie suivante du parcours, bien qu’assez longue vers le refuge Bonatti, ne présente pas beaucoup de dénivelée et devrait lui permettre de se refaire une santé avant la longue montée vers le Grand Col Ferret.

Descente vers Arnuva que nous atteignons sous la pluie à 17h30, soit avec 1h30 d’avance ce qui fait une demi-heure de marge de perdue. Maintenant il est hors de question de la récupérer, il faut simplement espérer « sauver les meubles » et viser une arrivée dimanche à 15h55….. Nous attaquons la patinoire qui mène au Grand Col Ferret : deux pas en avant, un pas en arrière ……. Isabelle est cependant étonnante dans cette montée et nous atteignons le col beaucoup plus vite que je ne le pensais. Vers la fin de la montée nous croisons Koko, notre célèbre Koko qui semble avoir une pêche d’enfer. Par contre elle monte à une allure assez irrégulière ; ce qui ne correspond pas à son habitude. Au début de la descente nous prenons quelques photos du magnifique brouillard qui nous environne pendant que Koko part comme une fusée vers La Peulaz. La descente est une patinoire comme l’an dernier et nous atteignons La Peulaz à la tombée de la nuit. Mise en place des frontales et c’est reparti pour la descente que j’appréhende le plus à cause de ma cheville de plus en plus instable. Une première grosse chute et je me relève avec un bâton réduit à 60cm ! Il m’est maintenant quasiment impossible de descendre seul sans suivre quelqu’un qui ouvre le chemin. Heureusement, Isabelle est là. Nous atteignons enfin la route qui mène en pente douce à La Fouly. Un petit passage le long du torrent et nous rejoignons le poste de contrôle de La Fouly à 22h soit avec seulement une heure d’avance maintenant. Koline est arrêtée et fait un stage dans la salle de massage. Plus une minute à perdre maintenant puisque notre avance diminue régulièrement.

Dans le long chemin (d’ailleurs peu sûr) vers Praz de Fort, nous rencontrons un contrôle volant puis une concurrente qui revient en arrière nous demander si c’est bien le bon chemin tellement il lui paraît interminable. Pas de problème c’est bien ça, d’autant plus qu’il y a des balises partout, on ne peut pas se romper. Puis c’est la crête de Saleina (le vide à droite et à gauche) qui nous amène à Praz de Fort. Deux minutes de repos assis sur un tas de parpaings et nous repartons en direction d’Issert et Champex dont nous apercevons les lumières tout là-haut, là-haut….. Je reconnais le début de la montée. Il y en aura pour 500m de dénivelée et il nous faudra prendre notre mal en patience. Isabelle a de plus en plus de mal dans les dernières centaines de mètres. Nous atteignons le poste de contrôle à 2h25, soit 35mn de marge seulement. Et histoire de rajouter un handicap supplémentaire, au point de contrôle j’ôte un gant pour je ne sais plus quelle raison, je me retourne 20s et je ne le retrouve plus ! Que fait-on maintenant ? Je suis fermement décidé à continuer, mais cette fois je ne suis pas seul. Nous nous accordons 20mn de réflexion pour en décider ; assis sur une palette dehors sous la pluie (la température sous la tente de ravitaillement est étouffante) près du bac des sacs qui retournent à Chamonix. Nous faisons pitié à l’un des bénévoles qui est au point de contrôle et qui insiste pour que nous nous mettions à l’abri ; mais finalement nous sommes mieux dehors. Le bilan est que nous perdons près de 30mn sur chaque tronçon de parcours depuis Courmayeur et quand nous repartirons il ne restera plus de marge du tout. Isabelle est épuisée, elle pourrait arriver à Chamonix mais avec le risque d’en être dégoûtée et ne jamais vouloir y revenir. Ma cheville va de plus en plus mal, un gant de moins et le risque d’un gros pépin n’est pas négligeable, d’autant plus que la descente après Bovine m’a laissé un très mauvais souvenir l’an dernier. D’un autre côté je sais que nous sommes tous les deux capables d’avoir le sursaut d’énergie qu’il faut pour passer la barrière horaire de Trient à 8h15 ; et cela malgré la difficulté de Bovine, le mauvais temps et tout le reste. J’appréhende moins le tronçon Trient-Vallorcine car bien que la pente des Tseppes soit raide, le chemin est bon. Mais ce qui est sûr, c’est que je ne repartirai pas seul vers Chamonix. Les minutes passent……. ce sera non. Et je rends nos deux dossards au point de contrôle. Sur plus de 300 courses, c’est la première fois où je rends un dossard. Ce n’est pas facile mais je suis convaincu que cette fois c’est la bonne décision. Et je retourne (avec à la main nos deux dossards amputés d’un petit morceau) m’asseoir sur notre palette sous la pluie. Nous regardons les derniers concurrents partir, à deux minutes de la barrière horaire de 3h00 c’est Irving qui passe devant nous et qui repart en direction de Trient. Bravo. Quelques minutes plus tard, assis sous la tente de ravitaillement, la pluie battante qui traverse même le toit de la tente nous conforte un peu dans notre décision.

Epilogue

Nous sommes classés 1349 et 1350 mais nous n’allons cependant pas en rester là. Mardi 29 août, 7h du matin, nous partons en direction de Champex d’en Bas afin d’attaquer cette dernière partie de parcours qu’Isabelle ne connaît toujours pas (Champex-Argentière). La montée de Bovine de jour et après une bonne journée de repos est finalement très agréable. Le paysage est magnifique. En haut de la côte nous croisons 2 VTTistes qui attaquent Bovine en descente, impressionant !. Au début de la descente vers le col de la Forclaz, nous sommes accueillis par des flocons de neige ! Je reconnais bien le chemin de descente parsemé de pierres et de racines qui m’avait tant fait souffrir l’an dernier. Plus bas c’est la pluie qui ne nous quittera plus jusqu’à la fin. La montée des Tseppes se fait sans trop de difficulté, par contre en haut nous devons face à un vent épouvantable (attention à ne pas perdre la casquette) qui nous laisse imaginer ce qu’ont subi les concurrents qui ont rencontré ça dans la nuit de samedi à dimanche. Descente sur Catogne dans le bourbier habituel et nous atteignons les pistes de ski de Vallorcine. Ensuite ce sera une pluie de plus en plus forte qui nous accompagnera jusqu’à Argentière par le Col des Montets.

Même si ce ne fut pas une réussite totale, puisque nous avions l’espoir d’arriver au bout tous les deux, ce fut une course superbe qui laisse de magnifiques souvenirs et une très grosse envie d’y revenir en 2007.

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Mis à jour le dimanche 31 décembre 2006.